L’obésité, maladie chronique en augmentation permanente pendant plusieurs décennies, touche 650 millions de personnes dans le monde, soit 13% de la population mondiale en 2016. Pourtant, la dénutrition chez le sujet obèse est encore méconnue, bien qu’elle engendre de sérieuses préoccupations cliniques.
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La dénutrition chez le sujet obèse
La dénutrition est un problème majeur de santé publique touchant plus de 2 millions de personnes en France. Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), « elle est perçue comme une malnutrition par défaut d’apport, amenant le plus souvent à un amaigrissement ».
Conformément aux recommandations établies par la HAS et la Fédération Française de Nutrition (FFN), un Indice de Masse Corporelle (IMC) inférieur à 18,5 kg/m2 doit évoquer le diagnostic d’une dénutrition chez l’adulte. Néanmoins, un IMC normal ou élevé n’exclut pas la possibilité d’une dénutrition.
En effet, la dénutrition chez le sujet obèse est un réel paradoxe, un IMC en faveur d’une surnutrition peut masquer une perte de masse musculaire qui est compensée par un gain de masse graisseuse, où aucune réduction marquante du poids n’est décelable. Autrement dit, un IMC indiquant une surnutrition, ne donne aucune information sur le statut biologique fonctionnel ou immunitaire du sujet obèse. Ce qui rend le diagnostic de la dénutrition difficile même dans le contexte de maladies chroniques.
L’examen clinique reste la base de l’évaluation de l’état nutritionnel. Il est important d’identifier l’apparition d’œdèmes diffus pouvant être révélateurs d’un déficit protéique sévère, même si la cause de ces œdèmes peut être reliée à une pathologie sous-jacente ou connue. D’autre part, l’état cutané, les phanères, les récessions dentaires, une fatigue musculaire, un état confusionnel, un syndrome neurologique ou une pâleur persistante peuvent suggérer un état carentiel associé à une obésité. D’où l’intérêt d’une surveillance constante des paramètres biologiques relatifs aux micronutriments (vitamines, minéraux) chez le sujet obèse.
Obésité et chirurgie bariatrique
L’obésité est un réel handicap pour le sujet qui en souffre, effectivement, outre les comorbidités, elle engendre une altération majeure de la vie sociale du patient. Justifiant ainsi le recours à la chirurgie bariatrique.
Avec plus de 60000 chirurgies par an en 2018, la France occupe la troisième place mondialement pour la chirurgie bariatrique, après les États-Unis et le Brésil, et ce malgré un taux d’obésité relativement faible, 17% de la population adulte en 2021 selon les Tableaux de l’économie Française (TEF).
Selon la HAS, La sleeve et le bypass constituent les interventions les plus pratiquées, avec respectivement en 2018 plus de 32 000 (soit 69 %) et de 13 000 (soit 28 %) interventions par an. Ces interventions ont majoritairement concerné les femmes, environ 80 % des interventions, âgées d’environ 40 ans.
Cependant, la chirurgie bariatrique est loin d’être la solution miracle, en effet, elle présente des effets indésirables non négligeables, qui sont principalement des désordres digestifs graves parfois relevant d’une procédure chirurgicale, des troubles nutritionnels et psychiatriques. Justifiant l’intérêt d’une prise en charge multidisciplinaire en pré et post-opératoire.
La chirurgie bariatrique et carences
Le risque de carences après une chirurgie bariatrique a longuement été décrit dans la littérature, dès lors, dans une mesure préventive, la HAS recommande la réalisation d’un bilan nutritionnel et vitaminique (dosages d’albumine, hémoglobine, ferritine et coefficient de saturation en fer de la transferrine, calcémie, 25 OH vitamine D, vitamines B1, B9, B12) ainsi qu’une correction des carences éventuelles en préopératoire quel que soit le type de chirurgie. La prévalence des déficits en micronutriments pourrait être plus importante chez le sujet obèse. Les plus fréquemment rapportés concernent les vitamines B1, B9, A, C et D et B12.
Prise en charge nutritionnelle après chirurgie bariatrique
Selon les dernières recommandations de la HAS, la prise en charge de l’obésité doit être pluridisciplinaire. Le suivi de première intention cible plusieurs objectifs : améliorer l’efficacité à long terme de la chirurgie bariatrique grâce à une meilleure sélection, information et préparation des patients, un meilleur choix de la technique ainsi qu’une meilleure formalisation de la constitution et du rôle de l’équipe pluridisciplinaire. Dans le but d’aider le patient à reprendre une vie équilibrée entre activité physique et consommation d’énergie, améliorer sa qualité de vie (physique, mentale et sociale) tout en prévenant les complications de l’obésité. Il est important de tenir compte de la demande et des objectifs du patient.
Après une chirurgie bariatrique (quel que soit le type d’intervention), une prise en charge par un diététicien-nutritionniste est indispensable, afin d’encourager les apports en protéines minimums de 60 g/jour et idéalement de 1,1 g de protéines/kg de poids idéal/jour, associés à une activité physique pour limiter la fonte et la perte de fonction musculaire, et la dénutrition.
Si malgré les conseils diététiques, l’objectif de 60g de protéines/jour n’est pas atteint, un recours aux compléments nutritionnels est suggéré.
Conclusion
La prise en charge nutritionnelle du patient après chirurgie bariatrique est un enjeu majeur, pourtant, la qualité du suivi post-opératoire n’est considérée satisfaisante que chez 12% des patients en France, d’où l’intérêt de renforcer l’encadrement autant avant qu’après l’intervention.
À propos de Joseph Merlo