Seaspiracy, un documentaire Netflix sur l’impact environnemental de la pêche, a fait beaucoup parler de lui.
Ce film examine les effets des déchets plastiques dans les océans et de la surpêche dans le monde entier et affirme que la pêche commerciale est en train d’anéantir la vie marine.
Après avoir regardé ce film, certaines personnes ne veulent plus manger de poisson. Seaspiracy a lancé un battage médiatique comparable à celui que s’était attiré The Game Changers, le documentaire de 2018 qui encensait le véganisme.
Dans cet avis critique, j’examinerai en détails les affirmations du documentaire Netflix Seaspiracy.
Les créateurs de ce film ont-ils raison ? Ou arrangent-ils la vérité à leur sauce ? J’ai mené mon enquête pour vous !
Contenu de l'article
- Le documentaire Netflix Seaspiracy
- Les points forts de Seaspiracy
- Critique n°1 : L’affirmation selon laquelle il n’y aura plus de poissons dans les océans ne tient pas
- Critique n°2 : La pêche durable existe bel et bien
- Critique n°3 : On ne peut pas mettre fin à la consommation de poisson dans le monde entier
- Critique n°4 : Les chiffres sur les filets de pêche ne sont pas corrects
- Critique n°5 : Les interviews sont parfois trompeuses
- Conclusion sur Seaspiracy
Le documentaire Netflix Seaspiracy
Dans Seaspiracy, nous faisons la connaissance d’Ali Tabrizi, un cinéaste britannique. Fasciné par les baleines et les dauphins dès son plus jeune âge,
Ali Tabrizi a développé une passion pour la vie marine en regardant les documentaires de David Attenborough et de Jacques-Yves Cousteau, entre autres. Son rêve était de réaliser un documentaire sur la vie dans les océans.
Mais une fois prêt à réaliser son documentaire, il s’est aperçu que l’image romantique qu’il avait de l’océan n’avait plus rien à voir avec la réalité. Par exemple, il voyait régulièrement des reportages sur des poissons échoués, souvent retrouvés l’estomac plein de plastique.
Ali Tabrizi a commencé à militer contre l’utilisation du plastique par les consommateurs, mais à un moment donné, il a eu l’impression que la principale menace pour l’océan venait d’ailleurs. Alors, il a pris sa caméra et il est parti enquêter. Ali commence son voyage dans la crique japonaise de Taiji où il est dit que l’on chasse le dauphin.
Il ne tarde pas à conclure que les dauphins ne sont pas seulement capturés, mais aussi tués, afin d’éviter qu’ils ne mangent trop de poissons. Les pêcheurs voient les dauphins comme des concurrents.
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De la pollution plastique à la pêche
Dans le même temps, entre les engins de pêche et l’échec des programmes de recyclage, la pollution plastique devient incontrôlable.
Plus Ali plonge dans le monde de la pêche commerciale, plus il découvre des abus. Par exemple, il découvre que des règles importantes sont souvent ignorées. On apprend également que les employés des bateaux de pêche sont parfois traités comme des esclaves.
En plus de tous ces abus, la pêche contribue au changement climatique, et d’ici quelques années, il n’y aura plus de poissons dans les océans.
Le documentaire prétend également que beaucoup de grandes organisations trompent les consommateurs en dissimulant le problème de la pêche. Ce serait une sorte de conspiration, d’où le titre « Seaspiracy ».
La solution à tous ces problèmes, selon Ali, est d’arrêter de manger du poisson. Selon Seaspiracy, quiconque veut contribuer à un monde meilleur devrait cesser de manger du poisson.
Vous ne l’avez pas encore vu ? En voici la bande-annonce :
Les créateurs de Seaspiracy
Avant d’aborder les points forts et les points faibles de Seaspiracy, voyons qui sont les créateurs de ce documentaire.
Le producteur du film est Kip Andersen. C’est également lui qui a produit Cowspiracy, un film pro-végan sur les effets néfastes de l’élevage.
Au fond, il n’est pas très surprenant que quelqu’un comme Kip Andersen soit impliqué dans un projet comme Seaspiracy, étant donné son affinité avec le sujet. Mais cela signifie également qu’il a un gros parti pris, ce qui, sans doute, rend la réalisation d’un documentaire objectif plus difficile.
Bien sûr, tous les cinéastes sont un peu biaisés, mais dans ce cas, c’est particulièrement évident. Kip Andersen a également participé au documentaire What The Health.
Ali Tabrizi, l’homme au cœur de Seaspiracy, a également participé à un documentaire sur le véganisme. Il n’y a rien de mal à cela, mais cela implique qu’il s’oppose à la consommation produits d’origine animale.
Les points forts de Seaspiracy
On s’aperçoit très rapidement que le film rejette le concept de pêche durable.
De nos jours, on parle beaucoup de déforestation et d’élevage, mais l’océan reste souvent un peu oublié. Il y a peut-être une poignée de livres et de documentaires à ce sujet, mais la plupart du temps, on parle de ce qui se passe sur terre.
Seaspiracy tente d’examiner le problème en profondeur et ose aborder des thèmes importants.
Si autrefois l’interdiction des pailles en plastique était considérée comme une solution à la pollution des océans, aujourd’hui la seule vraie solution est de supprimer tout le secteur de la pêche commerciale. Les abus sont bien exposés, de la surpêche sévère au massacre des espèces protégées.
À noter également, le documentaire regorge de superbes images tournées dans et autour de l’océan. Il y a eu peu de moments où Seaspiracy m’a semblé traîner en longueur.
Cependant, je dois dire que les créateurs ont fait de leur mieux pour jouer sur le ressenti du public. Après avoir vu Seaspiracy, on a de grandes chances d’être révolté contre la pêche et de ne plus jamais vouloir manger de poisson.
Au fond, il n’y a rien de mal à jouer sur les émotions du spectateur. Après tout, c’est ce que les créateurs de bonnes séries télévisées savent faire de mieux.
Cependant, dans le cas d’un documentaire, il faut être conscient du fait que l’on utilise la « boussole morale » du public pour transmettre un certain point de vue.
Si les faits présentés évoquent un sentiment d’injustice et de vives émotions, cela ne signifie pas qu’ils sont basés sur la vérité. Cela s’applique également à certains sujets abordés dans Seaspiracy. Voyons lesquels.
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Critique n°1 : L’affirmation selon laquelle il n’y aura plus de poissons dans les océans ne tient pas
Dans Seaspiracy, on avance que si l’humanité continue à surpêcher au même rythme qu’elle le fait aujourd’hui, les océans seront presque vides d’ici 2048. Un message inquiétant. Mais cette affirmation est-elle vraie ? La réponse est non.
Cette affirmation a été faite par l’écologiste marin Boris Worm, professeur à l’Université Dalhousie. L’idée que les océans seront vidés d’ici 2048 est basée sur une statistique datant de 2006 et réfutée plus tard par l’auteur de l’étude originale. En réexaminant son propre travail, le chercheur a découvert qu’il s’agissait d’une surestimation grossière (source, source).
De nouvelles données montrent le contraire de ce qui est dit dans le documentaire. À l’été 2020, un rapport biennal a été publié par l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), une agence neutre des Nations Unies.
Ce rapport de l’ONU montre que la biomasse des poissons (nombre de poissons x poids moyen) a augmenté en raison d’une forte diminution de la pression de pêche due à une gestion efficace des pêcheries (source, source).
Dans la figure ci-dessous, la ligne rouge représente la biomasse moyenne des poissons. Comme vous pouvez le constater, au cours de la première décennie du XXIe siècle, la biomasse des poissons a considérablement augmenté. La ligne bleue correspond au nombre moyen de captures et la ligne orange à la pression de pêche.
De même, le rapport annuel du Comité scientifique, technique et économique pour la pêche de la Commission européenne montre une diminution substantielle de la pression de pêche sur la période 2003-2018 dans l’Atlantique du Nord-Est. La population de poissons a considérablement augmenté et affiche même une hausse de 50 % entre 2010 et 2018 (source).
Malheureusement, les déclarations trompeuses (comme dans Seaspiracy) contribuent à une perception erronée de la réalité. Les océans se portent mieux, mais Seaspiracy présente une image complètement différente.
Critique n°2 : La pêche durable existe bel et bien
Le documentaire affirme que la pêche durable n’existe pas. Un très grand nombre de scientifiques ne sont pas d’accord avec cette affirmation.
Par exemple, selon le biologiste Bryce Stewart, une grande partie de la pêche peut effectivement être qualifiée de durable (source). Cependant, il admet que l’on pratique la surpêche dans certaines régions.
Encore une fois, « durable » ne signifie pas toujours que la nature reste intacte. Cependant, tout n’est pas aussi négatif que Seaspiracy semble le prétendre.
Critique n°3 : On ne peut pas mettre fin à la consommation de poisson dans le monde entier
Seaspiracy semble avoir pour message principal que nous devrions cesser de manger du poisson. Cette idée semble tout à fait louable à une époque où l’on vise un mode de vie plus soucieux de l’environnement, mais cela n’est absolument pas possible pour tout le monde.
Si réduire la consommation de produits d’origine animale peut être une bonne chose dans les pays prospères, certaines populations ailleurs dans le monde en sont complètement dépendantes. Exclure certains types d’aliments ne va pas aider les pays où la nourriture manque.
Je dois dire que Seaspiracy se concentre principalement sur la pêche à grande échelle et commerciale, mais les habitants de nombreux pays pauvres en dépendent également.
Critique n°4 : Les chiffres sur les filets de pêche ne sont pas corrects
L’affirmation selon laquelle au moins 46 % du plastique dans les océans provient de filets de pêche s’avère également incorrecte. Selon une estimation de Greenpeace, ce taux est de 10 % (source). Bien sûr, c’est encore beaucoup trop.
En outre, des initiatives sont prises depuis des années pour remédier au problème de ces filets de pêche. Cependant, Seaspiracy prétend être l’un des premiers à oser aborder le problème.
Encore une fois, cela donne une image trompeuse de la situation. Le message sous-jacent est que les grandes organisations ignorent délibérément certains problèmes, alors que c’est loin d’être toujours le cas.
Critique n°5 : Les interviews sont parfois trompeuses
Dans Seaspiracy, plusieurs personnes de grandes organisations environnementales sont interrogées. Cependant, il est clair que ces conversations ont été éditées.
Bien qu’il ne soit pas rare que les réalisateurs n’utilisent que de petits extraits des entretiens, cela semble être utilisé de manière très trompeuse ici.
Une personne (du camp adverse) ne trouve pas ces mots ? Ce passage peut alors être incorporé dans le documentaire, pour impliquer que la personne en question essaie de dissimuler des informations.
De plus, les personnes interrogées ne savaient pas toujours exactement à quoi elles participaient. Par exemple, la chercheuse Christina Hicks a déclaré rétrospectivement sur Twitter qu’elle n’était absolument pas d’accord avec la façon dont la pêche est décrite dans le documentaire.
Unnerving to discover your cameo in a film slamming an industry you love & have committed your career to. I’ve alot to say about #seaspiracy– but won’t. Yes there are issues but also progress & fish remain critical to food & nutrition security in many vulnerable geographies. pic.twitter.com/gKlopL64Gt
— Christina Hicks (@ChristinacHicks) March 26, 2021
Conclusion sur Seaspiracy
Seaspiracy est un documentaire polémique qui explore l’impact environnemental de la pêche commerciale. Le film expose un certain nombre de problèmes choquants et importants. Ses créateurs soulèvent des questions qui doivent absolument être abordées.
L’appel à porter un regard critique sur la surconsommation de produits d’origine animale, tels que la viande, le poisson et les fruits de mer est tout à fait justifié.
Nous avons de nombreuses raisons de réduire notre consommation de viande et de poisson, de la crise climatique aux droits des animaux. Il est également important de réduire notre utilisation de plastique en raison de ses effets négatifs sur la biodiversité.
Le véganisme est-il en plein essor ?
Ces dernières années, de nombreux livres et documentaires encourageant le végétarianisme et le véganisme ont été publiés.
Ceux-ci ont souvent une part de vérité, mais dans la pratique, tout est beaucoup plus compliqué. Un mode de vie sain repose toujours sur une combinaison de facteurs.
Je n’ai aucun doute que ce film part de bonnes intentions. Mais en même temps, son discours est trompeur, et ce dès les premières minutes. Le film se livre à de nombreuses exagérations et fait des liens là où il n’y en a pas.
Cela induit le public en erreur et engendre de vives réactions (« Je ne mangerai plus jamais de poisson ! »). Ou alors, on trouve tout cela tellement incroyable que les vrais problèmes passent à la trappe.
C’est pourquoi il est dommage que ce film contienne tant d’informations trompeuses et de demi-vérités. Bien sûr, cela ne contribue pas à le rendre crédible. Et c’est cela qui m’inquiète. La majeure partie du public ne reconnaîtra pas les réelles intentions du film.
On ne peut pas demander aux gens d’arrêter de manger du poisson sans tenir compte des conséquences socio-économiques que cela aurait dans de nombreux pays où la population dépend complètement de la pêche.
La majorité des pêcheurs du monde n’ont rien à voir avec les flottes de pêche industrielles. Ce sont de petits exploitants qui pêchent pour gagner leur vie. Ceux-ci bénéficieront d’une pêche plus durable et responsable.
Incitation à l’action ou mensonge ?
Le message « Arrêtez de manger du poisson » s’adresse au spectateur occidental qui n’est pas du tout dépendant du poisson de toute façon.
Et c’est là le gros problème de ce film. Je mets au défi ses créateurs de dire aux petits pêcheurs des pays pauvres d’arrêter de manger et de vendre du poisson et de trouver une autre activité pour survivre. Le poisson contient des nutriments importants.
Il est important de ne pas oublier ce contexte quand, à la fin de Seaspiracy, Tabrizi avance que le véganisme est la seule solution. Si on veut vraiment combattre le changement climatique, mettre fin à la pollution des océans et lutter contre les violations des droits de l’homme dans l’industrie de la pêche, dire aux gens d’arrêter de manger du poisson n’est pas la solution.
Qu’avez-vous pensé du documentaire Netflix Seaspiracy ? Dites-moi tout dans les commentaires ci-dessous.
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